samedi 15 juin 2013

IL LUI FAUT UNE PEAU NOUVELLE POUR

Exuvie



Une femme rampe sur un chemin de terre. Ses vêtements sont en partie déchirés et râpés. A moitié nue, le visage recouvert de terre, elle se tortille sur le sol, comme si elle voulait se débarrasser de quelque chose. Quelque chose qui la gêne, la retient, l’entrave, l’empêche. Sa peau. C’est de sa peau dont elle essaie de se débarrasser. Des lambeaux de sa vie d’avant se sépare d’elle.

Petit à petit, mine de rien, elle a fait sa mue. C’est ici, sur ce chemin de terre, à deux pas d’une autoroute que le long processus amorcé il y a plusieurs années prend fin. Comme un dédoublement, une renaissance, une petite mort. Morceaux de vie d’hier aujourd’hui conjugués à l’imparfait Abandon des peaux mortes. Des déchets sur le sol, vieilles peaux vides de chairs. Vides de corps. Mais vides d’âme ?

Peut-être y laisse-t-elle une parcelle de son âme dans cette peau. Pas le choix de toute façon. Faire peau neuve. Tabula rasa. Voir le soleil se lever sur une aube nouvelle. Virginité des sens. Quiétude retrouvée. Contre quelques centimètres carrés de peau. Une peau nouvelle pour. Sentir le souffle du vent, la fraîcheur de la pluie, la chaude caresse du soleil. Une peau nouvelle pour. Jouir de la peau de l’être aimé contre la sienne. Une peau nouvelle pour. Eprouver le monde autour. Il lui faut une peau nouvelle pour.

(Marianne Desroziers, nouvelle parue dans la revue Cabaret numéro 5, printemps 2013)


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