dimanche 16 juin 2013

LUCIOLES POMPONNÉES



Je partais rejoindre mes frères, affamés comme moi. Ils pouvaient bien ne jamais être les mêmes,  ces anonymes à l’envie unique me ressemblaient. Tous, encore une fois, nous allions reformer une fratrie hétéroclite. À nouveau, nous irions, concurrents et complices, fouiller avec le nez de nos capots ces niches que nous connaissions par cœur, pour trouver celle qui saurait, peut-être,nous faire jouir. De façon moins grandiloquente, chacun espérait trouver une chacune qui le ferait cracher à la lueur d'un plafonnier de bagnole.
    Aussi, répondant à un appel magnétique, nous autres mâles allions migrer de conserve. L’œil fixe et les trente euros réglementaires en poche, mes frères d’une nuit et moi allions quitter certaines profondeurs pour régaler nos appétits de squales ou cicatriser une plaie, pour ceux qui en avaient peut-être.
    Dans ces parcs d’attraction pour grands qui ouvraient à la nuit tombée, les filles nous attendraient : réparties de façon pratique, le long des couloirs de bus et pomponnées pour le service, ces très jeunes ou ces très veilles putes, arrachées à la planète entière, espéreraient toutes nous voir ralentir à leur niveau. Et, effectivement, selon une règle à laquelle on ne déroge pas, mes congénères et moi planerions au ralenti à la manière de raies manta remontant le lagon dégueulasse des ces Maréchaux anthracites.
    Nous allions apporter la preuve, à ces lucioles dans nos codes, que nos désirs et nos euros étaient bien là, intacts, au rendez-vous de leurs besoins financiers.
   
     Au fond, nous autres clients étions rassurants : une journée ensoleillée n’avait pu avoir raison du monde têtu. La nuit était bien vite revenue, pareille à toutes les autres, sombre comme la jungle et constellée d’envies. Pour l’intérêt immédiat de toutes les créatures qui s’y donnaient rendez-vous, les bouches, les bites et la monnaie s’échangeraient bien, cette fois-ci encore, dans l’obscurité des bois, des parkings et des consciences.

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