dimanche 30 juin 2013

WORKING CLASS HEROÏNE



June et sa mère allaient à Weymouth tous les étés, la station balnéaire la plus proche du bassin minier où elles vivaient. C'était l'Angleterre d'Après Guerre, elles n'avaient qu'un maillot de bain pour deux. Alors, pendant que l'une d'entre elles prenait un bain de maigre soleil, l'autre faisait un bingo ou mangeait un fish and chips.

Le ciel était toujours gris comme il se doit, les enfants pâlots et maigrelets. Mais il se dégageait de ce bout d'Angleterre une nostalgie rassurante, comme dans ces trains fantômes qui font hurler les enfants mais dont on sort euphoriques d'être toujours en vie.

June était belle. C'était indiscutable. Les pommettes hautes, les yeux absinthes, la bouche prometteuse. Mais elle ne possédait pas une once de fantaisie. Rien de drôle, de spirituel ni même de gentiment candide ne sortait jamais de sa bouche.
Bien sûr, elle épousa le premier imbécile venu, un officier de la RAF prénommé John. Elle lui donna un fils qui ne fit jamais rien de sa vie à part fumer des joints et s'illusionner sur ses talents de musicien.

John finit par quitter June pour une femme laide mais drôle.

La vie de June s'effrita, mais cette fille de mineurs gallois avait la souffrance et la résignation qui coulaient dans son sang. Elle prit un travail à British Telecom, renseigner les gens la satisfaisait pleinement, réussit à faire assez d'économies pour s'offrir un cottage et même des voyages en Australie ou à Bali.

Sa vie aurait été presque belle si ce n'était ce fils qui fumait des joints et jouait mollement de la guitare dans les pubs qui voulaient bien de lui.

Blanche Dubois




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